Il a signé les plus grands yachts de la planète. Espen Øino conjugue exploration, hospitalité et sobriété sans jamais renoncer à l’exigence des lignes. Rencontre avec un passionné du large et du détail.
L’éloquence de son travail se devine, mais c’est dans son bureau monégasque que sa vision prend tout son sens. Autour de lui, des croquis et des maquettes disent ce que les mots peinent à saisir. Vingt projets sont en cours de construction, et l’un se prépare à larguer les amarres. Tout impressionne, autant que l’homme lui-même. Espen Øino parle comme il dessine : vite, précis, net.
Le voyage débute avec RevOcean, le plus grand yacht du monde avec près de 195 mètres de long, et d’une autonomie d’environ trois mois. Dédié à l’exploration scientifique, ce géant des mers embarquera dès 2026 de jeunes chercheurs qui partageront leurs données. « C’est une question d’accès. Les grands navires publics sont difficiles à obtenir, on veut ouvrir le jeu », explique l’architecte. Autre pari, Ocean Mapper. L’objectif ? Dessiner le plus petit bateau capable d’emporter un sonar de 7,5 mètres sous la coque, puis multiplier les unités pour couvrir plus vite un océan dont 80 % des fonds restent à explorer. « Dix unités agiles valent mieux qu’un seul mastodonte », insiste-t-il.
Au-delà des performances, les superyachts d’Espen Øino transcendent les plus beaux Palaces. « À bord, l’expérience frôle le six ou sept étoiles. On vous récupère en hélicoptère, on défait vos valises, et le service anticipe le désir avant même qu’il ne s’exprime. » Les ratios sont de deux à trois membres d’équipage par invité. Pour attirer et garder ces talents qui vivent des mois en mer, les plans intègrent désormais des salles de sport et espaces dédiés, parfois un crew beach club, et de plus en plus, des cabines individuelles. La connectivité, elle aussi, a changé la donne : Starlink permet de streamer au milieu de l’Atlantique et de travailler en ligne, poursuit l’architecte. Mais la vraie magie, c’est la mobilité : dîner à Monaco et se réveiller par une baie inaccessible en Sicile, accéder à des lieux sans accès ni infrastructure ou seul le bateau vous permet de séjourner avec votre propre chambre. « Vous apportez votre lit aux confins du monde. »
Reste la question centrale : comment capter l’essence d’un client ? « D’abord par un brief d’une précision chirurgicale – mission, usages, zones – puis par un retour très rapide avec un concept. Beaucoup savent mieux ce qu’ils ne veulent pas que l’inverse », confie Espen Øino, qui revendique une bonne part de psychologie dans l’équation. En somme, il faut viser juste et tôt : « un yacht d’une telle envergure est souvent l’investissement privé le plus important d’une vie ».
Côté durabilité, les lignes bougent. Dans les tuyaux pour 2030, un micro-réacteur embarqué à zéro émission opérationnelle, capable de tenir cinq ans sans ravitailler et doté d’assez de combustible pour vingt ans. « Au niveau mondial, le shipping représente moins de 3 % des émissions, et le yachting n’en est qu’une infime fraction, ce n’est pas une raison pour ne pas viser l’excellence environnementale. »
D’un navire-laboratoire qui décuple la science à grande échelle à la flottille de sonars pour cartographier les océans, Espen Øino poursuit le même horizon : dessiner des rêves flottants qui restent, bien après l’amarrage, dans les esprits.
Le cap qui vous guide ? Quand fonctions et circulations sont justes, la beauté suit.
Un souvenir fondateur ? Le Skat, un yacht devenu iconique, livré en 2002 pour Charles Simonyi, l’homme derrière Microsoft Word et Excel.
Votre empreinte ? Faire naître en mer des moments mémorables, qu’ils durent le temps d’un repas ou d’une saison.
Ingénieur de formation d’origine norvégienne, Espen Øino est installé à Monaco depuis 2006.
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